Cette lettre ouverte a été publiée le 15 octobre 2024, dans le Soleil, le Droit, le Nouvelliste, le Quotidien, la Tribune et la Voix de l’Est.
Le 15 octobre marque la première Journée québécoise de sensibilisation au deuil périnatal. Déjà reconnue dans plusieurs provinces canadiennes et à l’international, cette journée trouve désormais sa place au Québec, grâce à l’adoption à l’unanimité du projet de loi 595, le 1er février dernier. Il s’agit d’un premier pas essentiel dans la reconnaissance des défis auxquels font face chaque année près de 23 000 familles québécoises qui perdent un enfant pendant la grossesse ou peu après la naissance.
Toutefois, la reconnaissance symbolique ne suffit pas. Il est maintenant crucial de passer à l’action. Dans ses lignes directrices nationales sur les soins à la mère et au nouveau-né[1], l’Agence de la santé publique du Canada consacre un chapitre à la perte et au deuil périnatal. L’organisme public y énonce des principes clairs, notamment : une communication compatissante avec les familles, la validation de leurs émotions sans supposition sur l’intensité ou la durée de leur deuil, l’offre d’information et de soutien nécessaire permettant aux parents de prendre une décision mieux éclairée sur les soins qu’eux et leur bébé reçoivent. De plus, un suivi continu est recommandé à toutes les familles lors de grossesses ultérieures et après la naissance d’un autre enfant.
Au Québec, il n’existe malheureusement toujours pas d’orientations provinciales, ni de protocole officiel pour accompagner les familles qui vivent un deuil périnatal. D’ailleurs, le Plan d’action en périnatalité et petite enfance 2023-2028, publié en mars dernier par le ministère de la Santé et des Services sociaux, met en évidence cette lacune, rappelant que le soutien à ces parents est encore trop fragmenté et insuffisant.
Les impacts psychologiques du deuil périnatal sont pourtant documentés. Que la perte survienne à n’importe quel stade de la grossesse, elle affecte profondément les parents en tant qu’individus, en tant que couple et en tant que famille. Malgré l’urgence évidente d’un meilleur accompagnement, les familles se retrouvent souvent livrées à elles-mêmes.
Encore aujourd’hui, de trop nombreux parents déplorent le manque de compassion de certains membres du personnel soignant, l’absence d’espace et de temps pour vivre leur deuil, et le fait qu’on les ait laissés partir sans documentation et sans référence à des ressources de soutien.
La manière dont on accompagne ces familles est pourtant déterminante. Un accueil empreint de compassion, un soutien approprié et un accès facilité aux ressources peuvent avoir un impact majeur sur leur processus de deuil et leur capacité à se reconstruire. Sur le terrain, plusieurs organismes communautaires déploient d’importants efforts pour soutenir ces parents aux parcours diversifiés. De l’offre de soutien par les pairs au marrainage, de l’accompagnement lors d’une interruption de grossesse à des discussions sur l’infertilité ou le deuil de la parentalité, ils offrent des services qui s’adaptent aux besoins des familles. Toutefois, ces services sont peu connus, référencés et répartis non équitablement au Québec.
Il est impératif de renforcer le soutien aux familles qui vivent un deuil périnatal. Nos décideurs publics doivent se commettre à cet effet, à l’échelle provinciale. Il est temps de faire du deuil périnatal une véritable priorité sociétale, de s’engager collectivement à revoir notre façon d’accueillir et d’accompagner les familles, afin que leur deuil ne soit plus vécu dans l’isolement, mais bien dans un cadre de solidarité et de soutien.
Signataires :
Marie-Claude Dufour, directrice générale du Réseau des Centres de ressources périnatales du Québec
Janie Tremblay, directrice générale, Les Perséides – soutien au deuil périnatal
Diane Dulac, directrice générale, Parents d’Anges Beauce-Etchemins
Anthéa Martineau, directrice générale, Sos Grossesse
Laura Aguilar Albo, directrice exécutive, Centre for Reproductive Loss / Centre de Perte Reproductive
[1] Agence de la santé publique du Canada, Les soins à la mère et au nouveau-né dans une perspective familiale : Lignes directrices nationales. Ottawa (Ontario) : ASPC; 2020.